Identification de séquences d’origine virale dans le génome nucléaire de la vigne

Identification de séquences d’origine virale dans le génome nucléaire de la vigne : implication potentielle de ces données dans la résistance épigénétique de la vigne aux pararétrovirus

Retenu comme fait marquant 2009 du département SPE.

Résumé
Suite au séquençage du génome de Vitis vinifera (lignée 40024), nous avons entrepris la recherche exhaustive de séquences virales intégrées dans son génome nucléaire et avons identifié des séquences pararétrovirales (virus non pathogènes chez la vigne). Ainsi, des signatures de 200 à 800 bp d’homologues de reverse‐transcriptases ont été détectées sur 11 des 19 chromosomes. Nous émettons l’hypothèse de la survenue, au cours de l’évolution de la vigne, d’évènements de transferts horizontaux de séquences pararétrovirales, conduisant à l’acquisition durable d’une résistance épigénétique contre ces virus.

Contexte, enjeux, problématique nationale et/ou internationale
Une équipe israélienne a suggéré en 2005 l’intégration de séquences de gène de capside de virus à ARN (Potyvirus) dans le génome de la vigne. Suite à son séquençage en 2007 (consortium franco‐italien dont l’équipe “génétique” de l’INRA de Colmar), nous avons entrepris, en collaboration avec cette équipe, un chercheur de l’Université de Haute Alsace (C. Bertsch) et un scientifique américain (V. Dolja), la recherche exhaustive de séquences virales intégrées dans le genome de la vigne.

Résultats
Nous avons retrouvé dans 11 des 19 chromosomes de la vigne, des signatures de 200 à 800 bp d’homologues de reverse‐transcriptases dérivées d’ancêtres de Caulimovirus et Tungrovirus (Para‐rétrovirus à ADN). L’intégration de ces séquences confère probablement une immunité de la vigne aux virus appartenant à cette famille, soit par un mécanisme de méthylation de l’ADN para‐rétroviral, soit par dégradation des mRNA correspondants par ARN interférence.
Par ailleurs, nous avons établi que deux séquences identifiées comme étant d’origine virale (virus à ARN), la Hsp 70 du Grapevine leafroll‐associated virus 1 (GLRaV‐1 ; Ampélovirus) et celle attribuée au GLRaV‐8, n’étaient en fait que des artefacts de clonage et correspondaient à des gènes de Vitis spp. Ce résultat nous permet d’éliminer le “GLRaV‐8” des bases de données virologiques et de montrer qu’aucune séquence dérivant de virus à ARN (y compris celle du potyvirus) n’est présente dans le génome nucléaire de la vigne.

Biodiversité 2010
Nous avons montré que la vigne, comme d’autres espèces ligneuses (peuplier), est porteuse d’information génétique exogène, provenant en particulier de séquences para‐rétrovirales. L’acquisition par le génome de ces ligneux de séquences d’origine virale, via probablement des événements de recombinaisons nonhomologues, entretient la biodiversité de ces plantes pérennes douées de multiplication végétative. Cette biodiversité « acquise » par transfert horizontal de gènes, peut leur conférer une adaptabilité vis‐à‐vis de bio‐agresseurs viraux, conduisant à une « résistance dérivée du pathogène » naturelle, basée sur un mécanisme d’ARN interférence.

Perspectives, impacts à terme
La validation de cette hypothèse passe par la mise en évidence chez la vigne du mécanisme d’ARN interférence, en recherchant en particulier les petits ARN interférants et les méthylations de l’ADN. Ces perspectives sont cohérentes avec notre projet d’équipe, sur les modifications épigénétiques chez la vigne en réponse à ses bio‐agresseurs viraux. A terme, la validation de cette hypothèse (activation d’un mécanisme de gene silencing via des séquences virales intégrées constitutivement dans le génome nucléaire de la vigne) apportera une meilleure justification pour nos travaux sur la résistance dérivée du pathogène par transformation génétique stable et insertion de courtes séquences virales dans le génome de la vigne.

Partenaires
Dr Christophe BERTSCH ‐ Université de Haute Alsace, Laboratoire Vigne Biotechnologie et Environnement EA 3991, 33 rue de Herrlisheim 68000 Colmar, France.
Pr Valerian V. DOLJA ‐ Department of Botany and Plant Pathology and Center for Genome Research and Biocomputing, Oregon State University, Corvallis, OR 97331, USA.

Valorisation
Sur le plan scientifique, ces travaux ont été valorisés par 2 publications scientifiques, dont une dans Biology Direct, revue en Open‐access. Cet article a été consulté 1463 fois sur le site, et cité 4 fois dans des articles en Open‐access de Biology Direct à IF >3, dont 2 “highly accessed” entre juillet 2009 et janvier 2010.
Au niveau des relations Sciences‐Société, démontrer l’existence du concept de résistance naturelle dérivée du pathogène par « transgénèse naturelle », pourrait contribuer à une meilleure acceptabilité sociétale de cette stratégie de lutte vis‐à‐vis des viroses de la vigne, si elle se montrait à terme intéressante pour la viticulture.

Bibliographie
Bertsch, C., Beuve, M., Dolja, V., Wirth, M., Pelsy, F., Herrbach, E., Lemaire, O. (2009). Retention of the virus-derived sequences in the nuclear genome of grapevine as a potential pathway to virus resistance. Biology Direct 4: 21.
Article
Bertsch, C., Beuve, M., Dolja, V., Wirth, M., Pelsy, F., Herrbach, E., Lemaire, O. (2009). Virus-derived sequences in the nuclear genome of grapevine. Extended abstracts 16th Meeting of the International Council for the Study of Virus and Virus-like Diseases of the Grapevine (ICVG). Dijon, 31 August -4 September 2009. Le Progrès Agricole et Viticole, Hors Série Spécial Congrès ICVG, p.52-53.

Contact
Olivier Lemaire