Identification des premiers récepteurs de virus de plante chez les pucerons

Identification des premiers récepteurs de virus de plante chez les pucerons

Retenu comme fait marquant 2018 par le département SPE

Résumé

A quelques mois d’intervalle, deux équipes de l’Inra, à Montpellier et à Colmar, publient les résultats de leurs travaux portant sur les mécanismes fins de transmission des virus par les pucerons. Elles montrent qu’en ciblant spécifiquement deux protéines de puceron, la Styline1 localisée dans les stylets des pucerons et le Récepteur de l’éphrine présent dans les cellules intestinales, il est possible de réduire respectivement la transmission du virus de la mosaïque du chou-fleur ou celle du virus de la jaunisse du navet. Ces recherches ouvrent des perspectives nouvelles en santé des plantes pour lutter contre les maladies virales transmises par insecte sans avoir recours aux insecticides. Cet aboutissement est en partie le fruit du soutien constant de l’Inra pour ces recherches « à risque », ce qui place aujourd’hui ces deux équipes sur le devant de la scène internationale dans le domaine de la transmission des virus de plantes par vecteur.

Contexte et enjeux

Les virus infectent de nombreuses cultures dans le monde, propagés de plante en plante par des vecteurs mobiles qui se nourrissent sur les végétaux. Les virus provoquent des dégâts importants sur les plantes et génèrent des pertes économiques conséquentes. Parmi les vecteurs, les pucerons, capables de véhiculer des centaines d’espèces de virus, sont les plus répandus. Aujourd’hui, la lutte chimique reste le principal moyen de protection des cultures, mais elle génère des effets néfastes sur l’environnement et la santé humaine.

Parmi les pistes alternatives étudiées à l'Inra (résistance naturelle des plantes aux virus, biocontrôle, …), la compréhension des mécanismes assurant la transmission de virus par les pucerons ouvre des perspectives prometteuses. L’identification des récepteurs viraux et la l’élucidation de leur fonctionnement chez cet insecte pourraient permettre de cibler et de bloquer l’interaction virus/vecteur et empêcher ainsi la propagation des virus dans les cultures.

Résultats

Nos deux équipes à l’Inra de Montpellier et de Colmar ont vu leurs travaux amorcés il y a presque 10 ans aboutir cette année à l’identification de deux protéines essentielles à la transmission de deux virus transmis par puceron, le virus de la mosaïque du chou-fleur (CaMV) et le virus de la jaunisse du navet (TuYV). Nous avons appliqué la technique de l’ARN interférence chez le puceron qui permet de diminuer l’expression de gènes cibles. A l’Inra de Montpellier, nous avons montré qu’en réduisant l’expression de la protéine nommée "Styline 1", la transmission du CaMV était fortement affectée. A l’INRA de Colmar, nous avons travaillé sur la protéine "Récepteur de l’éphrine", et obtenu une réduction importante de la transmission du TuYV par l’insecte vecteur en diminuant l’expression de la protéine. La Styline 1, récepteur du CaMV, est localisée au niveau du stylet du puceron en surface de l’organe appelé acrostyle et le Récepteur de l’éphrine, site d’accrochage du TuYV, est situé sur les cellules intestinales du puceron. Ces deux protéines sont les deux premiers récepteurs de virus, tout domaine confondu (animal, humain ou végétal), pour lesquels une corrélation a pu être établie entre expression dans l’insecte et transmission du virus. Ces travaux ont été possibles, entre autre, grâce au soutien de l’Inra et notamment du département SPE pour le financement de bourses doctorale et post-doctorales. En soutenant ce type de recherche considérée par nos collègues étrangers comme « à risque », car confrontée à de nombreux verrous techniques, l’Inra permet de placer ses chercheurs sur le devant de la scène internationale dans le domaine de la transmission des virus par les pucerons.

Perspectives

Les efforts sur l’identification des récepteurs des virus dans les pucerons devront être poursuivis pour comprendre la subtilité de leurs modes d’action et pouvoir ainsi cibler le plus spécifiquement possible l’accrochage des virus dans ces vecteurs. Ces études devront être élargies aux autres virus d’intérêt agronomique transmis par insectes. Elles pourront à terme déboucher sur des nouvelles méthodes de lutte à grande échelle permettant de réduire l’impact des viroses au champ en bloquant de manière spécifique la transmission par les vecteurs.

Publications

Webster CG, Pichon E, van Munster M, Monsion B, Deshoux M, Gargani D, Calevro F, Jimenez J, Moreno A, Krenz B, Thompson JR, Perry KL, Fereres A, Blanc S, Uzest M. (2018). Identification of plant virus receptor candidates in the stylets of their aphid vectors. J Virol. 92(14) e00432-18.

Mulot M., Monsion B., Boissinot S., Rastegar M., Meyer S., Bochet N., Brault V. (2018) Transmission of Turnip yellows virus is reduced by feeding aphids on double-stranded RNA targeting the ephrin receptor protein. Front. in Microb. 9, 457.

Heck M., Brault V. (2018) Targeted disruption of aphid transmission: a vision for the management of crop diseases caused by Luteoviridae members. Curr. Op. Virol. 33, 24-32.

Deshoux M., Monsion B., Uzest M. (2018) Insect cuticular proteins and their role in transmission of phytoviruses. Curr. Op. Virol. 33, 137-143.

Webster C.G., Thillier M., Pirolles E., Cayrol B., Blanc S., Uzest M. (2017) Proteomic composition of the acrostyle: Novel approaches to identify cuticular proteins involved in virus-insect interactions. Insect Sci. 24, 990-1002.

Mulot M, Boissinot S, Monsion B, Rastegar M, Clavijo G, Bochet N, Brault V. (2016) Comparative analysis of RNAi-based methods to down-regulate expression of two genes differentially expressed in Myzus persicae. Viruses 8, 316.

Brevet : Brault V., Monsion B., Rastegar M. (2014) Expression decrease of the gene coding for the ephrin receptor in aphids inhibits the transmission of the turnip yellows virus. EP14305422.9

Voir aussi